Redécouverte sur les rives du passé : un établissement du Nouvel Empire égyptien mis au jour près d’Alexandrie
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Crédit image : S. Dhennin |
Un site enfoui entre mer et lac
À l’ouest d’Alexandrie, dans un paysage aujourd’hui dominé par l’urbanisation contemporaine, les archéologues ont mis au jour les vestiges d’une cité oubliée du Nouvel Empire. Le site de Kom el-Nugus, niché entre les eaux salées de la Méditerranée et les rives calmes du lac Mariout, se distingue par une butte en forme de fer à cheval – un kom caractéristique – qui s’élève au cœur d’une zone longtemps négligée par les recherches archéologiques.
Jusqu’à récemment, les investigations s’étaient principalement concentrées sur l’extrémité occidentale du site, occupée par une vaste nécropole hellénistique. Mais une nouvelle campagne de fouilles, menée dans la partie centrale de la butte, a révélé des vestiges beaucoup plus anciens, remontant à la période faste du Nouvel Empire (1500–1069 av. J.-C.).
Les vestiges d’un habitat structuré
Sous la surface sableuse, les archéologues ont découvert un réseau de constructions en briques crues : des maisons bien préservées, les empreintes de rues anciennes, et un système sophistiqué de drainage des eaux. Ces éléments témoignent de l’existence d’un établissement organisé, peut-être éphémère, mais manifestement structuré et fonctionnel.
Les couches archéologiques indiquent plusieurs phases d’occupation, suggérant que cette implantation a pu servir de poste avancé temporaire – militaire ou logistique – selon les besoins saisonniers du royaume. Cette lecture stratigraphique donne à penser que ce lieu n’était pas une simple halte, mais un site récurrentement utilisé et probablement stratégique.
Entre pharaons et princesses : les échos du pouvoir
La fouille a livré des fragments monumentaux associés à des figures emblématiques de l’histoire pharaonique : Ramsès II, géant de la XIXᵉ dynastie, et Séthi II, son descendant. Plus étonnant encore, les chercheurs ont découvert un sceau d’amphore portant l’inscription de Mérytaton, fille d’Akhenaton et de la célèbre Néfertiti – un indice précieux reliant ce site aux sphères du pouvoir royal.
Ces témoignages matériels, rares et évocateurs, nourrissent l’hypothèse d’une présence étatique affirmée dans cette zone du delta, longtemps perçue comme périphérique.
Réutilisations hellénistiques et effacements romains
Au cours de l’époque hellénistique, probablement à la suite de la fondation d’Alexandrie, un vaste complexe religieux fut édifié sur les ruines de l’ancien village : un temple monumental et son mur d’enceinte ont recouvert et en partie démantelé les structures du Nouvel Empire. Ce processus d’appropriation et de réemploi architectural illustre les dynamiques de superposition culturelle caractéristiques de l’Égypte gréco-romaine.
Mais ces nouvelles constructions n’étaient pas destinées à l’éternité : elles aussi furent en grande partie démontées durant l’époque impériale romaine, effaçant à leur tour les traces de leurs prédécesseurs.
Vers une reconstitution du palimpseste égyptien
L’équipe archéologique espère désormais percer les derniers mystères de Kom el-Nugus. La quête du nom antique de l’établissement est l’un des objectifs majeurs des fouilles à venir. Plus largement, ce chantier ouvre une fenêtre sur les continuités d’occupation et les transformations du paysage culturel de la côte méditerranéenne égyptienne.
Comme le soulignent les auteurs de l’étude parue dans Antiquity, « cette découverte constitue une étape essentielle pour comprendre les dynamiques de peuplement et les mutations socioculturelles dans une région au cœur de l’histoire du monde antique ».
Sources : Université de Cambridge
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